« Mon dévouement à l’égard du gaullisme répondait à une fidélité vis à vis d’un homme dont je considérais qu’il était la grandeur et et l’honneur de la France »  clame Michel Anfrol dans des entretiens qu'il avait donnés à une chercheuse, Hélène Brando, quelques mois avant sa  disparition, en 2019. Homme de fidélité, journaliste intransigeant, polyglotte, amoureux  de l'Amérique latine et de l'Argentine en particulier, cet esprit caustique et chaleureux, avait  acclamé le général de Gaulle sur les Champs-Elysées le 26 août 1944, avant de devenir, à quinze  ans, alors qu'il est élève au lycée Janson-de-Sailly, le plus jeune adhérent au RPF en 1950, trois  ans après sa création. Accueilli par le futur député Claude-Gérard Marcus, le voilà lancé dans  les campagnes électorales, aux côtés d'Edmond Michelet, Jean Tiberi (70 ans d'amirié), Jacques  Dominari (entré dans la Résistance à 16 ans), Louis Vallon et René Capitant (qui fut son  professeur de droit) ou Charles Pasqua, trouvant en Maurice Couve de Murville le « parfait  modèle, pour moi, de l'homme politique ». Il rencontre alors à quatre reprises le général mais  pendant sa traversée du désert, le père de Michel Anfrol s'exclamera : « À ma connaissance, en  France, il doit rester deux gaullistes, mon fils et De Gaulle... et encore, je me demanda toujours si  De Gaulle l'est toujours ! ».  Gaulliste, Anfrol le resta toute sa vie, payant souvent très cher cette fidélité. Lui qui se frotta  à Europe 1 (il y rencontre le seul gaulliste de la station, Pierre Delanoë, directeur artistique  et parolier de Bécaud) avant de rejoindre la RTF puis l'ORTF (il commenta notamment en  direct les premiers pas sur la lune) raconte de façon souvent édifiante le climat anti-gaulliste qui  se jouait dans les médias et souligne au passage que la RTF de la IVe République « ne permit jamais à de Gaulle de s'exprimer », ajoutant que lorsqu'il fut président, « il n'exigea jamais que l'on  purge les journalistes socialistes ou communistes de l'ORTF. La preuve en est : mai 68 ! ». Il explique  que d'ailleurs, lui, le non gréviste en mai 68, résista aux quolibets et présenta le journal télévisé  depuis les sous-sols de la Tour Eiffel car des grévistes menaçaient de faire sauter les studios de  Cognacq-Jay. Anfrol suit de Gaulle en Allemagne, recueillant en exclusivité le récit qu'il fit sur son ancêtre  Ludwig Kolb, lequel venu en France, avait rejoint les gardes suisses du roi Louis XVI, et fut un des seuls rescapés du massacre des Tuileries en août 1792. Au lendemain du départ du général, après le référendum de 1969, Anfrol est désemparé, confiant avec tristesse : « II était  la voix, il était /'Histoire, il était la morale politique. », citant au JT les mots de René Coty en 58 : « II ne sera plus le premier en France mais il restera le premier des Français. ». Les pages les plus émouvantes sont celles consacrées à celui qui le nomma à la présidence des Amis de la Fondation Charles de Gaulle, Pierre Messmer, dont il dit qu'il «portait l'héritage du général de Gaulle », rappelant au passage son épopée aux côtés de celui qui deviendrait le général Simon, tous deux partis au lendemain du 18 juin rejoindre le chef de la France libre à bord d'un navire italien. Il termine ses entretiens par une réflexion arrière, se demandant, « à l'heure où nous nous acharnons à déconstruire », si on pourra encore comprendre dans quelques années l'œuvre du général de Gaulle. « Aller vers ce pour quoi nous sommes faits, libres et fraternels. Tel est le signe que la France doit donner au monde pour De Gaulle ». Telle fût jusqu'à son dernier soupir l'obsession de ce reporter intrépide, rumeur de cigares et amateurs de tango argentin. • Entretiens avec Michel Anfrol, Avec De Gaulle, du RPF à l'ORTF, d'Hélène et Julien Brando. Préface dAngelo Rinaldi et postface de Jean Tiberi (Éditions Regain de lecture, 280 pages, 20 €).

A lire aussi sa préface à Une Révolution en héritage, la politique sociale de Charles de Gaulle, d'Alain Kerhervé (Regain de lecture, 382 pages, 20 €).