Vies Cabossées et miettes d'espoir
Lecture de mai, tout à trac !
Mais quelle idée saugrenue ! Pourquoi ai-je accepté de me donner en spectacle, de franchir le Rubicon pour affronter l'œil inquisiteur du public ? Lire à un parterre de gens inconnus des mots qui ne sont miens, des mots à qui, il faudra rendre émotion et passion. J'aime tenir captif ma petite chambrée d'enfants sages, captifs faciles, accrochés par l'habileté acquise au fil des années.
Là, point de sonneries pour donner les trois coups. Il faut attendre que la salle se remplisse, que les retardataires arrivent sans fournir le moindre billet d'excuse. Le quart d'heure orléanais s'ajoutent au quart d'heure des travaux que vient compléter le quart d'heure de stationnement. De quart d'heure en quart d'heure, je sens ma dernière heure venir !
Mais pourquoi diable avoir répondu par l'affirmative à cette étrange requête d'Yves Bodard : « Veux-tu bien lire un extrait de mon livre ? »
Dyslexique notoire, je me soigne par l'écriture en me prémunissant de toutes ces fautes qui jalonnent mes délires d'écriveur d'occasion. Mais là, point de bienveillante correctrice, ma langue fourchera aussi sûrement que mes doigts, sans aucun filet pour rattraper la cabriole ….
Enfin la séance commence. L'éditeur Corsaire tient le propos liminaire.
Le lecteur flibustier n'en mène pas bien large. Il tend le micro au maître de cérémonie, notre brave Soldat Mourad que de vilains financiers ont bouté de notre LibéO. Le pigiste libéré interroge le fantassin des espaces borgnes, des lieux de désespérance, des vies cabossées.
Yves saisit la parole au bond comme jadis le ballon. La Source, sa famille, son métier, la rue, les douleurs croisées, les miettes d'espoir semées à tous vents. Il parle, les mots se déroulent à toute vitesse comme une pelote qui n'en finit pas de se dévider. Il est intarissable.
Il est, Yves, entier, simple, nature, lui-même. Pont besoin de micro, sa voix porte, ses mots ricochent. Il est truculence et simplicité.
Le public l'écoute. Religieusement ? Non, je doute que cet adverbe lui convienne. Mais ils boivent ses propos. Ils sont venus pour lui, par amitié, reconnaissance, fidélité, fraternité …. Ils sont acquis à sa cause. Auront-ils la même patience pour ceux qui vont maladroitement exécuter un fragment de son récit ? J'écoute le dialogue entre Mourad et Yves d'une oreille trop distraite. L'autre se préoccupe bien stupidement des battements d'un cœur qui s'emballe … Yves, ancien combattant de nos émeutes de banlieue. Le quartier de l'Indien, son secteur en feu de poubelles. Il se raconte, il y est, rempart solitaire entre le bras armé et les petits émeutiers. Il se revit près de dix ans en arrière sur le
terrain de tous les dérapages.
Il ne sait pas que j'étais témoin impuissant ! De l'autre côté de la barrière, j'accompagnais un groupe de déclassés qui devaient payer leur rédemption chez les sapeurs pompiers. J'ai compris la mèche qui met le feu au poudre, le bras conseillé, ceux qui tirent les marrons du feu et en profitèrent pour rafler la mise. La ville bascula, la peur s'installa mais ceci est une histoire qu'il n'est pas possible de raconter sans risquer le procès, les boutefeux d'alors étant devenus si puissants …
De cette aventure nocturne, Yves puisa l'énergie d'un premier livre. Il a enfin osé les mots sur un papier dompté. Il ne va plus s'arrêter. Il a le parler si facile que la plume lui glisse des doigts. Il faut sans doute redresser tout ça, son éditeur le conseille, son épouse veille au grain pour en extirper l'ivraie. De cette histoire encore j'ai pris tant de coups que je ne sais si jamais je la conterai. Pour nous deux en tout cas, l'indignation tient lieu de respiration. Pas surprenant qu'il est obtenu une préface de Stéphane Hessel !
C'est à mon tour d'aller au feu ! Je prends le micro d'une voix nouée.
Je me glisse dans les mots d'un autre, un presque frère en colère. J'ai choisi le pathos pour me donner contenance. Yves verse quelques larmes à mes côtés, la salle est silencieuse, pierre tombale d'une histoire qui débutait si mal. Quand j'eus fini, le silence me pesa. J'avais touché mais je m'étais coulé dans l'aventure.
Le dialogue reprit entre Mourad et Yves. D'une belle pirouette, ils avaient cassé la bulle de chagrin. La salle à son tour reprit vie.
J'étais seul dans mon coin à rester là où j'avais voulu placer la barre.
Il y eut ensuite la lecture lumineuse et gouailleuse de Stéphanie, chanteuse et lectrice, enfant femme. Puis ce fut le vigneron directeur qui prenait le bâton de maréchal. Autre interprétation, autre forme, de rondeur et de sérénité, sans doute feinte.
Une première lecture publique, l'envie de recommencer et la certitude de m'y être brûlé les ailes. Éternel insatisfait, je filais comme un voleur, la fuite sera toujours ma compagne. Il me faudrait une pirouette pour éviter la chute, je n'ai ni l'envie, ni la force de vous l'offrir et vous prie tout simplement de lire sans moi, le beau texte de l'ami Yves, rebelle parmi les rebelles !
Vies Cabossées et miettes d'espoir
Lecture de mai, tout à trac !
Mais quelle idée saugrenue ! Pourquoi ai-je accepté de me donner en spectacle, de franchir le Rubicon pour affronter l'œil inquisiteur du public ? Lire à un parterre de gens inconnus des mots qui ne sont miens, des mots à qui, il faudra rendre émotion et passion. J'aime tenir captif ma petite chambrée d'enfants sages, captifs faciles, accrochés par l'habileté acquise au fil des années.
Là, point de sonneries pour donner les trois coups. Il faut attendre que la salle se remplisse, que les retardataires arrivent sans fournir le moindre billet d'excuse. Le quart d'heure orléanais s'ajoutent au quart d'heure des travaux que vient compléter le quart d'heure de stationnement. De quart d'heure en quart d'heure, je sens ma dernière heure venir !
Mais pourquoi diable avoir répondu par l'affirmative à cette étrange requête d'Yves Bodard : « Veux-tu bien lire un extrait de mon livre ? »
Dyslexique notoire, je me soigne par l'écriture en me prémunissant de toutes ces fautes qui jalonnent mes délires d'écriveur d'occasion. Mais là, point de bienveillante correctrice, ma langue fourchera aussi sûrement que mes doigts, sans aucun filet pour rattraper la cabriole ….
Enfin la séance commence. L'éditeur Corsaire tient le propos liminaire.
Le lecteur flibustier n'en mène pas bien large. Il tend le micro au maître de cérémonie, notre brave Soldat Mourad que de vilains financiers ont bouté de notre LibéO. Le pigiste libéré interroge le fantassin des espaces borgnes, des lieux de désespérance, des vies cabossées.
Yves saisit la parole au bond comme jadis le ballon. La Source, sa famille, son métier, la rue, les douleurs croisées, les miettes d'espoir semées à tous vents. Il parle, les mots se déroulent à toute vitesse comme une pelote qui n'en finit pas de se dévider. Il est intarissable.
Il est, Yves, entier, simple, nature, lui-même. Pont besoin de micro, sa voix porte, ses mots ricochent. Il est truculence et simplicité.
Le public l'écoute. Religieusement ? Non, je doute que cet adverbe lui convienne. Mais ils boivent ses propos. Ils sont venus pour lui, par amitié, reconnaissance, fidélité, fraternité …. Ils sont acquis à sa cause. Auront-ils la même patience pour ceux qui vont maladroitement exécuter un fragment de son récit ? J'écoute le dialogue entre Mourad et Yves d'une oreille trop distraite. L'autre se préoccupe bien stupidement des battements d'un cœur qui s'emballe … Yves, ancien combattant de nos émeutes de banlieue. Le quartier de l'Indien, son secteur en feu de poubelles. Il se raconte, il y est, rempart solitaire entre le bras armé et les petits émeutiers. Il se revit près de dix ans en arrière sur le
terrain de tous les dérapages.
Il ne sait pas que j'étais témoin impuissant ! De l'autre côté de la barrière, j'accompagnais un groupe de déclassés qui devaient payer leur rédemption chez les sapeurs pompiers. J'ai compris la mèche qui met le feu au poudre, le bras conseillé, ceux qui tirent les marrons du feu et en profitèrent pour rafler la mise. La ville bascula, la peur s'installa mais ceci est une histoire qu'il n'est pas possible de raconter sans risquer le procès, les boutefeux d'alors étant devenus si puissants …
De cette aventure nocturne, Yves puisa l'énergie d'un premier livre. Il a enfin osé les mots sur un papier dompté. Il ne va plus s'arrêter. Il a le parler si facile que la plume lui glisse des doigts. Il faut sans doute redresser tout ça, son éditeur le conseille, son épouse veille au grain pour en extirper l'ivraie. De cette histoire encore j'ai pris tant de coups que je ne sais si jamais je la conterai. Pour nous deux en tout cas, l'indignation tient lieu de respiration. Pas surprenant qu'il est obtenu une préface de Stéphane Hessel !
C'est à mon tour d'aller au feu ! Je prends le micro d'une voix nouée.
Je me glisse dans les mots d'un autre, un presque frère en colère. J'ai choisi le pathos pour me donner contenance. Yves verse quelques larmes à mes côtés, la salle est silencieuse, pierre tombale d'une histoire qui débutait si mal. Quand j'eus fini, le silence me pesa. J'avais touché mais je m'étais coulé dans l'aventure.
Le dialogue reprit entre Mourad et Yves. D'une belle pirouette, ils avaient cassé la bulle de chagrin. La salle à son tour reprit vie.
J'étais seul dans mon coin à rester là où j'avais voulu placer la barre.
Il y eut ensuite la lecture lumineuse et gouailleuse de Stéphanie, chanteuse et lectrice, enfant femme. Puis ce fut le vigneron directeur qui prenait le bâton de maréchal. Autre interprétation, autre forme, de rondeur et de sérénité, sans doute feinte.
Une première lecture publique, l'envie de recommencer et la certitude de m'y être brûlé les ailes. Éternel insatisfait, je filais comme un voleur, la fuite sera toujours ma compagne. Il me faudrait une pirouette pour éviter la chute, je n'ai ni l'envie, ni la force de vous l'offrir et vous prie tout simplement de lire sans moi, le beau texte de l'ami Yves, rebelle parmi les rebelles !
Confraternellement sien.
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