L'ALGÉRIE POUR MÉMOIRE. La préface de ce livre est l’œuvre de Jean-Pierre Stora, le fils de l’auteure, qui l’a mise en forme de généalogie très affectueuse. Bel hommage à la famille ! Fernande, femme de caractère, repliée d’Algérie en France, décide, oublieuse de tous les dangers des premiers mois de l’indépendance, de se rendre à Alger pour tenter de sauver ce qui peut l’être des appartements et du commerce familiaux ; C’est le 15 septembre 1962 qu’elle atterrit à Maison-Blanche, accompagnée de sa mère de 72 ans, femme de caractère elle aussi, on le découvrira au fil du livre ! Et dès l’arrivée, déjà le paysage, l’environnement apparaissent changés (pas en bien…). On note dès le début, l’intelligente explication des mots arabes pour les non-initiés, et le respect des expressions, du langage et de l’accent populaire local. L’écriture est pleine de délicatesse et de pudeur, une amertume perceptible devant des « absences de vie » choquantes de lieux auparavant très chaleureux, si peu de  temps après le départ des Pieds-Noirs. Et on finit par plonger dans le fatras de démarches, en plein décalage entre mentalités arabe et européenne, véritable parcours du combattant où tout (ou rien) peut arriver. Il y a des rémanences de l’administration française, qui en fait compliquent toute démarche, et le simplisme, ou l’aléatoire des nouveaux maîtres. Et c’est le royaume des prédateurs, voire des voleurs, Algériens, qui profitent de la détresse des Français et de l’inutilité, ou l’impossibilité de fait, de recours auprès d’autorités quasi inexistantes ou peu coopératives. Les activités de l’auteure sur place sont décrites avec une telle précision que l’on a l’impression de se trouver en tous lieux à son côté. J’ai adoré le rêve du bain de soleil et de la sortie en pastéra (p. 106) ! On est obligé d’admirer la ténacité et le contrôle de soi chez cette femme à travers toutes les épreuves qui l’ont obligée à s’éloigner de sa famille directe pendant de si longs mois, et dans des démarches qui auraient rebuté les plus audacieux ! Le fil du récit se déroule comme une vidéo remarquable, pour qui a connu Alger, c’est saisissant de réalisme, et ça nous parle !
par Renaud Boulet