« Sois hypocrite, sois royalement, sois intégralement hypocrite, sinon tu te perdras. » Dans le pamphlet qu’il écrit en 1903, Paul Gérardy se glisse dans les habits du monarque belge pour rédiger des cahiers de conseils royaux qu’il transmet à son neveu et héritier. Publiée en France pour éviter un procès, la satire est rapidement interdite outre-Quiévrain pour cause de lèsemajesté : on y reconnaît aisément le roi Léopold II écrivant à l’attention de son futur successeur, Albert Ier. Cette nouvelle édition présentée et annotée par Anne Cornet permet de saisir toutes les références de l’époque, tant à propos du Congo que de la politique intérieure, mais éclaire aussi la relation du souverain avec les artistes. Gérardy dresse le portrait peu flatteur d’un roi manipulateur et démagogue qui élabore des discours où il s’applique à « ne mettre que des choses banales ». Un roi prêt à n’importe quel retournement tant qu’il peut exercer le pouvoir : « Il faut que tu parles et que cependant tu ne dises rien. Il faut que tu n’aies pas l’air d’un sot et cependant tu ne peux exprimer aucune idée originale et spontanée. »
                                                                                                                                                    SÉBASTIEN GILLARD